Avec Da qui (à partir d’ici), Binta Diaw signe sa première exposition personnelle à Paris et sa troisième exposition personnelle en collaboration avec la Galerie Cécile Fakhoury, après Abidjan (2021) et Dakar (2022).
Dans la recherche de Binta Diaw, le corps est à l’intersection de questions historiques et sociales. Alors que le corps noir et le corps féminin sont particulièrement marqués du poids de l’histoire, l’artiste en fait son support, performatif et réconciliateur, irriguant un tout-monde nécessaire pour faire face collectivement aux défis contemporains. Courbes-paysages, tresses-racines ou sculptures-rivages illustrent les stratégies de résilience communes du corps et de la nature face au colonialisme, à l’esclavage et au patriarcat.
Faite d’un réseau tentaculaire de tresses, l’œuvre Uati’s Wisdom évoque la figure mythologique de Mami Wata, divinité aquatique souvent dépeinte comme séductrice et dangereuse, représentée en Afrique ou en Inde avec une chevelure impressionnante. Le tressage s’impose dans les œuvres de Binta Diaw comme motif et méthode : la culture capillaire des femmes noires d’hier et d’aujourd’hui reflète de très nombreux enjeux historiques et sociétaux. Tresser, c’est aussi lier, unifier, prendre soin, transmettre. Seule ou accompagnée d’autres femmes, Binta Diaw active ses œuvres grâce à ce geste qui demande patience et savoir-faire.
Lorsqu’elle crée la vidéo Essere Corpo, Binta Diaw cherche à reconstruire et maintenir une continuité entre le corps et la nature, dans une danse sensible. C’est mue par ce même instinct qu’elle réalise à Milan les œuvres Terrestre, Continuità ou Radici Sospese qui révèlent la genèse de son travail, fait de performances et installations-écosystèmes poussant à regarder et comprendre les enjeux de notre histoire récente via un prisme différent.
Italienne et sénégalaise, Binta Diaw grandit à Milan et étudie à l’académie de Brera. La culture italienne s’inscrit à part entière au sein de son identité et du métissage artistique de ses œuvres. Leur économie de moyens, leur ouverture conceptuelle et visuelle, ne sont pas sans rappeler l’Arte Povera. Plus encore, dans l’œuvre Rifùgio, Binta Diaw cite explicitement l’igloo emblématique de la recherche de Mario Merz, et y fait vivre des tresses de cheveux synthétiques qui, dans cet espace de refuge, racontent un récit de résistance et de résilience.
Lauréate du prix Pujade-Lauraine en 2022, nominée au prix Reiffers Art Initiatives en 2023, au Prix MAXXI Bulgari 2023 et actuellement en résidence à la Cité internationale des arts à Paris grâce au soutien de la fondation Art Explora, Binta Diaw a montré son travail dans le cadre de Paysages, une exposition personnelle au Magasin de Grenoble en 2022.
Un catalogue monographique est publié à l’occasion de l’exposition avec des contributions de Françoise Vergès, Janine Gaëlle Dieudji, Marie-Hélène Pereira et Delphine Lopez.