La Galerie Cécile Fakhoury a le plaisir de présenter l’exposition personnelle Ce que la mer murmure de Rachel Marsil à l’Hôtel Sokhamon dans le cadre de la 14ème édition de Partcours à Dakar.
Pour sa seconde exposition personnelle au Sénégal, Rachel Marsil engage une conversation poétique avec l’emblématique architecture de l’Hôtel Sokhamon. Construit au début des années 2000 face à l’océan Atlantique sur la petite corniche de la capitale sénégalaise, l’hôtel — qui avait d’abord été envisagé comme une maternité et un centre de balnéothérapie — est désormais l’incarnation de la vision artistique de sa fondatrice, Rama Simone Farah, et du savoir-faire des artisans qui ont façonné ce lieu hors du commun.
La salle de réception nommée « Hutt Bi » [« La Cour » en Wolof] où se tient l’exposition est ainsi traversée d’un ensemble de signes et de symboles ; de couleurs et de matières ; qui ouvrent un espace spirituel aux résonances tant africaines qu’universelles. En entrant dans cette salle, le visiteur est saisi par la hauteur des lieux et l’omniprésence d’une nature calme et puissante au territoire sans limite. Il n’est pas anodin que l’accès à cette salle se fasse après avoir descendu de nombreuses marches : tout dans ce lieu invite à l’introspection et à la plongée au cœur de son âme. En Wolof, Sokhamon signifie « si tu savais », mais aussi « si conscience il y a ». Ce lieu est un espace où se ré-enraciner dans une quête de sens qui définit l’existence humaine.
C’est au cœur de ce contexte que Rachel Marsil déploie sa réflexion artistique sous la forme d’une odyssée visuelle nourrie par l’univers du groupe Drexciya, duo de compositeurs de musique techno basé à Détroit, aux États-Unis. À la fin des années 1990, ceux-ci imaginèrent un monde sous-marin où auraient survécu les enfants des femmes noires enceintes jetées à la mer durant les traversées transatlantiques de la traite négrière. Ces êtres sacrifiés auraient alors fondé une cité engloutie ; et un nouveau peuple de survivants à l’âme guerrière serait né : les Drexciyans. Sous le pinceau de l’artiste jaillissent alors, entremêlés aux formes organiques de l’hôtel, les habitants d’une Atlantide noire — lieu d’une nouvelle narration autour de l’Atlantique et de sa place dans l’histoire de l’esclavage.
Les étendues d’eau sont omniprésentes dans les œuvres de l’artiste, matière bleue mouvante et souple, lieu de tous les possibles, qui contraste avec les tons ocres du bâtiment mais rappelle l’océan à deux pas. Les personnages de ce mythe visuel sont souvent seuls dans leur toile. Ils sont représentés à un moment de latence, entre deux mouvements. Leur visage dont les traits ne sont pas sans rappeler certains masques africains sont tournés vers nous, mais le regard, indéfini et infini, se porte au-delà des apparences et au-delà du temps. Ils nous questionnent sur le sens de notre présence : sommes-nous ici en conscience – Sokhamon ?
Subtilement, Rachel Marsil s’affranchit à travers cette série du rapport au réel et aux contraintes de la représentation. Reprenant les codes de genres classiques de la peinture comme le portrait ou la nature-morte, l’artiste y insuffle une dimension mystérieuse. Quelque chose dans la représentation retient notre attention sans qu’il soit toujours évident de dire quoi. Les fonds aux couleurs peu communes, les jeux de lumière, les objets aussi, cauris et coquillages semblent appartenir à un autre monde dont il faut écouter le murmure. Alors, la perception d’un sens lointain ne peut se faire sans que l’on éveille un inconscient collectif, un imaginaire nomade garant d’une mémoire immortelle et partagée.
L’exposition Ce que la mer murmure est ainsi une invitation à vivre une œuvre d’art totale. Des toiles aux murs qui les portent, tout est ici invitation à faire l’expérience d’un moment esthétique où l’on se relie à la conscience et à la quête universelle du sens de l’existence humaine dans l’histoire.
Delphine Lopez
Directrice, Galerie Cécile Fakhoury - Dakar
