Soro Kafana, Le Moane, Serge Nemlin : Group show

13 Mars - 5 Juin 2021 Project Space - Abidjan

La Galerie Cécile Fakhoury - Abidjan a le plaisir de vous présenter dans son Project Space le travail de trois artistes, Soro Kafana, Serge Nemlin et Le Moane, appartenant à la nouvelle génération de la sculpture en Côte d’Ivoire. Avec Jems Koko Bi, dont l’exposition personnelle Patrimoine se tient dans la galerie principale, ils partagent une histoire ; celle d’une rencontre décisive au moment de leur formation au début des années 2010, d’un apprentissage exigeant auprès de celui qu’ils considèrent comme leur maître, d’une émancipation aussi et d’une recherche de leur expression singulière. Ils partagent aussi l’histoire de la rencontre avec les arbres, avec le bois, et l’évidence de leur communion avec cette matière vivante et plastique, dont ils tentent chacun à leur manière de révéler les mystères.

 

Né en 1991 à Mankono dans le nord de la Côte d’Ivoire, Soro Kafana est venu à la sculpture par le travail du fer. Venu d’une famille d’artisans, avec un père forgeron, il fréquente depuis son enfance les ateliers, où il observe d’abord puis apprend le travail du fer et du bois. Orienté par son professeur d’arts plastiques, il choisit ensuite d’intégrer l’INSAAC à Abidjan, où il explore la sculpture monumentale à l’argile avec Koffi Donkor. Petit à petit, le bois s’impose comme sa matière de prédilection, avec laquelle il se concerte et communique. Si son travail peut s’apparenter parfois à une lutte, à une épreuve, rien n’est imposé au bois. Soro Kafana négocie avec la matière, se concerte avec elle, ses formes et le vécu qu’elle porte en elle. En se confrontant à l’arbre, il se confronte à lui-même, à l’altérité qui existe en lui et il questionne ainsi son identité, entre traditions ancestrales africaines et cultures venues d’ailleurs. Dans l’œuvre Moi et le moi par exemple, il illustre cette identité hybride au travers d’une sorte de danse entre deux personnages, à la frontière du combat et de l’union, entre rapport de force et tension harmonique. Le bas-relief également, intitulé Passé et futur, témoigne de la complexité de l’identité et de son caractère toujours inachevé, à affirmer ou construire. Chez Soro Kafana, la présence du double n’est pas angoissante. Elle prend plutôt la forme d’une suggestion à l’introspection, d’une reconnaissance humble aussi de l’éternelle évolution des choses, une humilité que l’artiste apprend chaque jour au contact des arbres, grands sages de la forêt.

 

Mominé, de son nom d’artiste Le Moane, est né en 1986 à Man. Il a appris le travail du bois auprès de son père charpentier, et il n’a cessé de le côtoyer depuis comme artiste. Travailler le bois est pour lui une voie vers la communion avec la nature, comme un cocon, à l’abri du brouhaha incessant du monde extérieur. Ce bruit de fond, fait de mensonges et de faux-semblants, Le Moane le représente par les gravures arithmétiques qui habillent ses sculptures. Des équations sans queue ni tête, paroles creuses qui s’opposent au pouvoir de ces mains monumentales sculptées tantôt ouvertes, prêtes à recevoir ou à donner, tantôt fermées, le poing non pas levé mais enfoncé dans le sol, en signe de protestation. Signe d’affirmation aussi, transcrit dans la verticalité des sculptures de l’artiste. Totems contemporains, chacun peut y voir ses propres interdits, ses peurs ou ses cultes. Mais ces emblèmes sont esthétiques autant que symboliques, la quête de la beauté de la forme étant considérée ici comme un vecteur puissant de sens. L’œuvre de Le Moane est pleine de symboles à déchiffrer, comme un langage cryptique, une langue intermédiaire propre au dialogue entre l’artiste et sa matière.

 

Né à Tabou dans le Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire en 1985, Serge Nemlin décrit sa rencontre avec le bois comme ce qui lui a permis de devenir ‘un artiste libre’. Libéré des contraintes académiques et formelles, libre de profiter des possibilités infinies du bois, en phase avec la nature vivante de cette matière. Après des études à l’INSAAC et sa rencontre en 2013 avec Jems Koko Bi, c’est à partir de 2017 qu’il se concentre sur la pratique de l’assemblage, notamment à partir de copeaux de bois. Bout par bout, Serge Nemlin tente d’atteindre un équilibre, de deviner les intentions du bois, de sculpter d’abord avec les yeux, par l’imagination, comme un jeu de puzzle en 3D. Pour cette exposition, l’artiste propose une sculpture monumentale intitulée La sentinelle, faite cette fois ci de fagots de bois, plus épais que les copeaux. Mi-humaine, mi-animale, la sentinelle observe, surveille, monte la garde. Figure rassurante, elle veille sur nous et nous protège. N’est-ce pas d’ailleurs précisément ce que font les arbres, sentinelles ancestrales, sources d’oxygène et de vie ? L’œuvre de Serge Nemlin est habitée par la question du lien entre les hommes et la nature, la faune et la flore, la survie des uns dépendant de celle des autres. Sa technique de l’assemblage nous apparaît alors comme mimétique de cette vision de la vie, faite de fragments assemblés, qui dessinent peu à peu une histoire. Celle de nos vies individuelles, celle de nos collectivités, et finalement l’histoire à l’origine de cette exposition : ensemble, nous sommes plus forts.