La Galerie Cécile Fakhoury est heureuse de présenter l’exposition personnelle de Binta Diaw, Dïà s p o r a dans le Project Space de la galerie à Abidjan en Côte d’Ivoire.
Une vague noire à quelques centimètres du sol. Une humidité, légèrement supérieure à celle de l’air ambiant, un mouvement de vie imperceptible à l’œil nu mais pourtant bien sensible. La sensation de l’organique qui se déploie à tous les niveaux de l’être, une plongée sensorielle et intellectuelle.
Pour sa première exposition personnelle à Abidjan, l’artiste italienne et sénégalaise Binta Diaw plonge dans la riche histoire des tressages de cheveux africains et de leur place centrale dans la transmission de savoirs vernaculaires. Des hair politics des années soixante-dix aux débats plus récents sur la notion d’appropriation culturelle, les cheveux africains portent un ensemble de réseaux sémiologiques qui n’ont eu de cesse de fasciner le champs des études culturelles ces dernières décennies.
Binta Diaw s’inspire en particulier pour cette exposition de la pratique de tressage des femmes africaines dans les plantations. Certaines d’entre elles, revisitant les codes traditionnels des ornements capillaires, transformaient les motifs de leur coiffure en cartographie cryptée et évanescente des routes de marronnage ; ces chemins secrets partagés entre esclaves pour tenter de fuir la plantation. Parfois, leur cheveux, en plus des tracés géographiques abstraits, renfermaient au cœur du tressage des graines de la terre natale, placées là par les femmes et emportées dans l’espoir de trouver une terre d’accueil libre pour les disperser à nouveau. La pratique du tressage s’affirmait comme une pratique à la fois de résistance et de perpétuation.
Dïà s p o r a, le titre de l’exposition porte ainsi dans son écriture les notions fondamentales à la pratique artistique de Binta Diaw. L’origine grecque du mot éclaire sur les sens que l’artiste souhaite nous faire explorer: « diaspora » est « disséminé - à travers ». Ce terme dont le sens le plus commun décrit l’état de dispersion d’un peuple dans le monde prend dans l’installation monumentale de l’artiste tout son sens organique. La dispersion est aussi celle des graines et avec elles, celles d’une culture de la terre, d’un savoir faire et de la circulation d’une mémoire vivante. L’installation, comme autrefois la pratique du tressage s’affirme ainsi comme des espaces fertiles d’où émergent conjointement le politique et le poétique.
Conçue comme un travail collaboratif réalisé avec des tresseuses ivoiriennes, Dïà s p o r a est une expérience immersive, à la poésie sensuelle qui donne à voir par l’épure de ses formes, l’extraordinaire odyssée d’une humanité déracinée et nomade.