La Galerie Cécile Fakhoury a le plaisir de présenter Vox Ouezzin, une exposition personnelle de Cheikh Ndiaye.
Vox Ouezzin, un nom dont l’écho intrigue. Vox Ouezzin, le nom nouveau d’un cinéma inventé, semblable pourtant aux noms de ceux, réels, que peint Cheikh Ndiaye. Vox Ouezzin, atypique, composite qui résonne à chacun de nos pas dans ces villes aux palettes de couleurs instantanément reconnaissables. Vox Ouezzin, Vox Ouezzin - amalgame de noms comme un souvenir, palimpseste sonore, visuel et mémoire photographique; celle du cinéma Vox Continua à Cuba, celle du cinéma Ouezzin à Abidjan, et celle d’autres encore. C’est que la pratique artistique de Cheikh Ndiaye relève de l’ambulatoire. Elle collecte ici et là les fragments d’un paysage urbain, Dakar, Saint-Louis, Abidjan, Cuba...Et tisse la trame d’une géographie immersive.
Dans les peintures de Cheikh Ndiaye, le cadrage est serré, volontairement parcellaire: à parcelle de terre correspond parcelle de toile. Les territoires délimités par l’artiste sont tout à la fois physiques, historiques, symboliques et plastiques. Ils ont la particularité d’être porteurs d’architectures signifiantes. Le cinéma en particulier, ce dispositif spéculaire qui en dit autant sur la société à laquelle il appartient à travers les images qu’il montre que par la façon dont il est conçu, est au centre de la réflexion de l’artiste. Cheikh Ndiaye s’intéresse particulièrement à ceux qui ont fleuri en Afrique de l’Ouest pendant et aux lendemains des Indépendances. Leur style moderniste contrastait alors avec l’architecture coloniale et les plaçaient en figure de proue de la modernité, rattachant l’Afrique à une culture visuelle internationale.
Cheikh Ndiaye soumet chacune de ces architectures signifiantes à son œil scrutateur. Il en déconstruit méthodiquement les strates et y opère une analyse quasi-archéologique à la recherche de traces de l’histoire à documenter et de ce qu’elles nous disent de l’évolution du contemporain.
Une à une, les couleurs de la scène font l’objet d’un étalonnage minutieux; les matières - tôle du toit, tas de sable, carrelage au sol - sont passées au tamis de la toile pour être mieux recomposées. Le processus long du travail de la peinture à l’huile partage alors une certaine analogie avec les processus qui ont œuvré et qui œuvrent encore à façonner les structures que la peinture (re)présente. Sur la toile, plusieurs couches se lisent comme des « sédiments empilés1 » archivés dans la mémoire de l’artiste. La peinture se fait alors matière et Cheikh Ndiaye en modèle la texture comme il modèle les maquettes de ses installations; insufflant un surplus de vie à l’objet - pictural ou physique.
Car, le chant de noms autrefois glorieux des cinémas ne saurait caché l’état décrépi des lieux dont certains ne fonctionnent plus comme lieux de culture depuis longtemps. Loin de céder à la nostalgie pourtant, les œuvres de Cheikh Ndiaye puisent leur vitalité dans les ressources infinies de l’informel. L’artiste pioche formes et matières dans la bibliothèque de la rue. Ainsi, l’atelier du tapissier qui assiste l’artiste dans la création des pièces qu’il expose se retrouve-t-il lui aussi exposé, transposé sur la toile.
Le processus d’observation et d’immersion dans l’environnement urbain qui précède chez Cheikh Ndiaye l’acte de création conduit très souvent à la réalisation d’installation in situ, comme ici Lady Day and John Coltrane. Éparpillés dans l’espace d’exposition, les fauteuils aux proportions non fonctionnelles nous racontent un autre moment de l’histoire peinte dans Atelier Peinture et dans Atelier Tapissier Mamadou Ndiaye, Sicap; celui d’après le labeur, aux heures creuses du jour où se réinventent tous les possibles au tempo du jazz.
Représenter, recoudre, réinventer; dans les interstices de l’Histoire, dans les failles du bâti, dans l’usure des objets; Cheikh Ndiaye décline une narration visuelle ambitieuse, esthétique plus qu’esthétisée et nous donne à voir la dualité fondamentale qui se loge au cœur des villes africaines.