Aujourd’hui je travaille avec mon petit fils, Aboudia: Frédéric Bruly Bouabré & Aboudia

14 September - 11 November 2012 ABIDJAN

Pour son exposition inaugurale, la galerie Cécile Fakhoury est heureuse de présenter l’œuvre en collaboration de Frédéric Bruly Bouabré et Aboudia.

 

Leur rencontre a produit une série de 12 toiles, sur lesquelles chacun des artistes, dans une synergie nourrie d’échanges et d’inspiration mutuelle, a imprimé sa marque. Transcendant le fossé générationnel et réduisant à néant les six décennies qui séparent le « vieux » du « jeune », Bouabré et Aboudia livrent ici une œuvre à la force singulière où leurs styles à la gémellité troublante se répondent en canon ostinato.

 

Dans cette œuvre où l’acrylique, la colle à bois, le crayon et le pastel se mêlent en un joyeux chaos d’harmonies et de correspondances entre couleurs et matériaux divers, on retrouve les thèmes de prédilection de Bouabré, notamment la venue au monde de l’humanité (La venue au monde), l’être humain en tant que regard du monde (Guié guié guié !), la mère de l’artiste (Tagro Dréhounou – La mère de Bouabré), ou encore l’amour fraternel (La guerre n’est pas bonne, L’embrassade). Sur ces mêmes toiles, on découvre d’Aboudia une thématique plus urbaine, inspirée de l’enfance et des petits riens qui constituent le quotidien joyeux et désordonné de la vie dans les quartiers populaires.

 

Accompagnant la courbe du pinceau ou celle du crayon, l’écriture, essentielle dans l’œuvre des deux artistes, est présente elle aussi. La conjugaison de leurs deux « écritures » offre un ensemble à la vitalité criante, communicative, fusion presque palpable d’énergies étincelantes et éclatées, comme ces soleils colorés apparus en vision à Bouabré il y a plus de 60 ans.

 

Créateur prolifique et multiforme né en 1923 dans la petite localité de Zéprégué, Frédéric Bruly Bouabré manifeste dès son plus jeune âge une curiosité dévorante pour le monde qui l’entoure et les différents champs du savoir. En 1948, une vision qu’il eut en songe éveille en lui une vocation de passeur-créateur qui ne le quittera plus. Poète et dessinateur, il invente aussi un alphabet de 448 pictogrammes monosyllabiques inspiré des signes figurant sur les pierres sacrées de Bécloi, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Se servant de cette écriture, Bouabré a, entre autres, consigné les poèmes, contes et légendes constituant « la geste bété », son ethnie d’origine. Ses recherches ont été publiées par le naturaliste Théodore Monod et lui ont valu la réputation de « nouveau Champollion ». On retrouve ces fameux pictogrammes dans la toile Civilise toi homme ! Entendu ! À partir des années 1950, alors qu’il est fonctionnaire sous l’administration coloniale, Bouabré développe un autre versant de sa créativité intarissable et réalise alors un inventaire soigneux et quasi-encyclopédique du monde, dessiné au crayon de couleur et au stylo bille sur de petites cartes de papier cartonné bordées d’enluminures calligraphiées. De la Tate Gallery au Centre Pompidou, en passant par le Dia Center for the Arts, la Saatchi Gallery, le Guggenheim Museum ou encore le Mori Art Museum pour ne citer qu’eux, son œuvre a fait le tour du monde. Scribe des Temps modernes, artiste total et passeur universaliste, Bouabré est légitimement considéré comme un patrimoine vivant.

 

Aboudia, lui, s’est forgé son identité stylistique à l’école de la rue. Né en 1983 et diplômé du CTAA (Centre technique des arts appliqués) de Bingerville, c’est contre l’avis de ses parents, et les récriminations des professeurs qui lui prédisaient une carrière d’« artiste des rues », qu’il a choisi de devenir peintre. Avec ses fresques murales, l’œuvre d’Aboudia se distingue notablement de celle de son aîné par sa dimension monumentale, mais elle le rejoint dans l’importance accordée aux mots dans ses toiles, cette fois-ci sous la forme d’un hommage aux graffitis des rues, le signifié venant souligner et amplifier la portée du signifiant. Révélé à la communauté internationale des critiques et des journalistes par son travail sur la bataille d’Abidjan, Aboudia refuse de se laisser catégoriser comme un « peintre de guerre ». Sa peinture, qu’il qualifie lui-même de « nouchi » est un hommage à l’essence des rêves et du langage. Elle use, comme celle de Bouabré, de matériaux à portée de main, dans le but d’exprimer le maximum avec un minimum de moyens. En préparation : le catalogue de l’exposition et un documentaire sur la collaboration des artistes.