Cette exposition thématique présente des œuvres pour la plupart acquises récemment par le Frac Occitanie Montpellier. A l’occasion des 40 ans de la structure, et faisant suite aux monographies consacrées à Lisa Milroy et Thibault Brunet, elles montrent la diversité des recherches artistiques de notre époque et manifestent la richesse d’une collection portée par la Région Occitanie et l’Etat (Drac Occitanie).
Des artistes importants dans le champ de l’art contemporain, dans ce qui fait déjà son « histoire », comme l’Ukrainien Boris Mikhaïlov, la Canadienne Lynne Cohen (1944-2014) ou l’Autrichien Franz West (1947-2012) y côtoient de plus jeunes, travaillant actuellement en France, en Occitanie même, ou ayant été invités dans les structures artistiques de la région : Samuel Buckman (Frac OM, 2015), Guillaume Constantin (Crac, Sète ; Maison des arts Georges et Claude Pompidou, Cajarc), Isabelle Giovacchini (Printemps de Septembre, Toulouse), Yo-Yo Gonthier (Chapelle Saint-Jacques, Saint-Gaudens), Laura Gozlan (La Panacée, Montpellier). Enfin, Julien Prévieux, artiste français reconnu au plan international, Dario Robleto, artiste américain et Nathalie Wetzel, qui vit en Suisse, complètent cette réunion avec des pièces de premier plan.
Une exposition est nécessairement, comme une collection, une sélection. Elle repose sur des choix, des arbitrages et, dans le champ de l’expression artistique qui obéit à des critères subjectifs, elle peut être indéfiniment contestée étant évidemment contestable... C’est que ce que l’on nomme « art contemporain » est un terme générique cachant l’extrême individualisme, au sens positif, de l’art en régime démocratique. Revers de cette liberté de chacun d’inventer ses propres formes : le sentiment, pour beaucoup (notamment du côté des spectateurs), de ne pas « s’y retrouver », le mécontentement (cf. Art, contenu et mécontentement, de Thomas McEvilley), voire, parfois, la rancœur qui naît aussi des désillusions portant sur un réel – visée ultime du désir humain – ne se laissant pas facilement saisir...
L’art contemporain est alors l’un des espaces de l’expression humaine où la tension entre désir et « ressentiment » est des plus fortes. Il n’y a là rien de surprenant. Car les œuvres sont, au temps où elles apparaissent, autant porteuses d’étonnements que de... détonements : les constructions et déconstructions de formes, plus déroutantes encore que les jeux verbaux, nous entraînent sur des sentiers souvent très escarpés et instables. Sur les terrains ouverts aux quatre vents qui sont ceux de la création artistique, mieux vaut être équipé d’un bon pull et d’une solide paire de grolles...
Les œuvres de cette exposition ont en commun de sembler s’emparer de quelque chose de lourd, pris à la réalité elle-même, et de la retourner dans la légèreté, la lumière, la poésie, l’humour même : Groll’Up ! L’art puisse-t-il nous arracher à la pesanteur du réel et nous élever un peu, au-delà des limites et des contraintes de toutes sortes. Les artistes se confrontent aux institutions, aux techniques, aux conventions éculées, aux cristallisations vides, et s’efforcent de les renouveler, de les renverser aussi, afin de les rendre au cœur battant du vivant, dont nous sommes tous comptables.
Com. Emmanuel Latreille