L’exposition collective Des Hommes et des totems présente le travail de l’artiste togolais Sadikou Oukpedjo à la galerie Le Manège à Dakar du 8 mars au 14 avril 2018.
On appelle thérianthropie ou encore zooanthropie le fait qu’un être humain se transforme en bête. La métamorphose d’homme en animal ou d’animal en homme remonte à la nuit des temps. En Afrique, et sur tous les continents, le thème de l’homme-animal nous plonge dans des mythes et des rituels chamaniques très anciens, et se développe dès l’âge pariétal (les premières formes d’un culte thérianthropique figurent dans la grotte des Trois-Frères, en Ariège). Centaures, hommes-hyènes, satyres, hommes-loups (lycanthropes), sphinx, sirènes, hommes-requins peuplent l’imaginaire collectif et hantent les rêves de l’humanité…
Objets de fascination, de répulsion, de peur ou de pouvoir (les dieux se font hommes ou animaux chez les Grecs, les Romains, les Celtes ou les Germains), ces êtres hybrides traversent les mythologies à travers des pratiques individuelles et collectives – souvent sources d’ordre et de cohésion sociale, mais aussi artistiques comme dans la littérature (récit étiologique chez Ovide et Homère, métamorphoses chez Kafka, fables et contes chez La Fontaine ou Perrault), le cinéma (Cronenberg, Lynch, Cocteau ) ou encore la peinture (Jérôme Bosch, Dali, Dali, Léonard de Vinci, Garouste etc.). Dans d’autres champs disciplinaires, des chercheurs et des historiens comme Pythagore, Darwin, Condillac ou Mircea Eliade ont pu observer que ces croyances concernant l’identité des animaux et la transformation d’humains en animaux sont très répandues.
Aujourd’hui, que nous disent les artistes de ce rapport entre l’homme et l’animal ? Et plus largement, de l’homme à la nature, à travers le prisme de leurs systèmes de croyances? Si l’homme est toujours classé dans le règne animal, l’hétérogénéité de son développement géographique et économique et la cruauté de son rapport à l’environnement remettent en cause les grands principes défendus en leur temps par Rousseau ou Montaigne d’égalité de nature et de statut, de respect de la sensibilité et de refus de la violence envers les autres êtres animés.
A travers les œuvres peuplées d’êtres thérianthropes et de figures totémiques de trois artistes majeurs d’Afrique de l’Ouest, Soly Cissé, Sadikou Oukpédjo, et Amadou Sanogo, cette exposition nous propose de sonder notre rapport à la nature et à notre animalité et nous questionne, au-delà des mythes anciens, sur la façon dont nous vivons notre « nature sauvage » et dont nous tirons – ou pas une force instinctuelle pour « vivre une vie naturelle », plus harmonieuse et résiliente.