La galerie Cécile Fakhoury a le plaisir de participer à la nouvelle édition de 1-54 à New York. A cette occasion, la galerie présente pour la première fois aux Etats-Unis une exposition personnelle de l’artiste béninois Roméo Mivekannin. Dans le nouveau bâtiment de la foire à l’esthétique industrielle préservée, le travail de l’artiste se déploie à la croisée des temporalités, citant œuvres historiques et créant des dialogues contemporains.
Cette nouvelle série d’œuvres conçues spécifiquement pour l’occasion, prolonge le travail de déconstruction de la représentation des figures d’altérité – noirs, indigènes, femmes - dans l’histoire de l’art mené par l’artiste depuis quelques années.
Sur la surface si particulière de ses toiles, colorée selon un mélange secret de bains d’élixirs qui donnent aux fonds des œuvres leurs tons marron brut et marbrés, Roméo Mivekannin revisite avec minutie les toiles des collections des plus grands musées du monde (Met, Louvre, Museo Nacional Thyssen-Bornemisza ...) et nous amène ainsi à nous interroger sur les mécanismes de notre perception face à des représentations qui sont entrées dans nos inconscients collectifs et constituent aujourd’hui la norme d’une identité culturelle établie et exclusive.
Roméo Mivekannin choisit plus particulièrement pour cette série des œuvres représentant des femmes : Sainte Cacilda d’après Francisco de Zurbaràn ; La toilette d’Esther d’après Théodore Chassériau ; Odalisque d’après Benjamin Constant ou encore La Diseuse de bonne aventure d’après Georges de la Tour. Ces toiles ont en commun de prendre la figure féminine comme prétexte pour représenter les visions fantasmées des peintres et les idéologies de leurs époques, tantôt évoquant les apparats du pouvoir représentés sous les traits de saintes du panthéon chrétien au 17ème siècle ; tantôt matérialisant un ailleurs exotique poursuivit par les peintres Orientalistes du début du 19ème siècle à travers les scène de bain et les harems.
Pour chacune des œuvres, Roméo Mivekannin obscurcit les décors pour ne se concentrer que sur les personnages qui redeviennent ainsi les véritables protagonistes du récit et non les simples porteurs d’une idéologie... A ceci près qu’à la place du visage du personnage, Roméo Mivekannin appose son autoportrait et subverti certains détails de l’œuvre originale, créant une ambiguïté troublante. L’acte du collage est ici volontairement visible : les drapés des vêtements, la peaux, l’éclat des bijoux rendus avec force de couleurs contrastent avec le traitement noir et blanc que l’artiste applique à son propre visage. Là où les personnages des œuvres originales semblent tout occupés à leur tâche et offerts aux yeux avides du spectateurs – objets de désir et de fétichisation-, le portrait de Roméo Mivekannin lui nous renvoie toujours notre regard nous empêchant de nous complaire dans notre consommation passive des images.
Roméo Mivekannin entre comme par effraction et non sans ironie dans cette histoire de l’art eurocentrée et masculine. S’inscrivant avec brio dans les recherches de certains de ces contemporains comme Kehinde Wiley, Mickaelene Thomas ou encore Titus Kaphar, Roméo Mivekannin subvertit les codes et se les réapproprie, ouvrant ainsi un nouveau champ des possibles dans la représentation.