epuis le début de sa pratique, Binta Diaw s'intéresse aux mouvements de personnes dans le temps, qu'ils soient volontaires ou forcés, officiels ou non. L'artiste s'intéresse particulièrement à l'idée de diaspora, qui caractérise son propre parcours, elle qui est née en Italie de parents sénégalais. Diaw développe sa conception de la diaspora au-delà de l'idée d'un déplacement physique ou symbolique - et des difficultés de déracinement et de rétablissement qui l'accompagnent - pour la positionner comme un état dans lequel "nous pouvons être plusieurs à la fois", en s'appuyant sur les mots d'Edouard Glissant selon lesquels "toute diaspora est le passage de l'unité à la multiplicité". La diaspora ne sert donc pas seulement de point d'entrée à l'artiste pour plonger dans l'histoire de la migration en Afrique, mais aussi de point de départ pour suivre la "tendance africaine à voyager ailleurs".
Dans le cadre de Progetto Genesi à la Fondazione Sandretto Re Rebaudengo, Binta Diaw a créé une installation immersive qui aborde le thème de la migration, centrée sur le corps du migrant et sa sensibilité à la nature et à la culture environnante.
Filmée à Yarakh, au Sénégal, et conçue comme une méditation visuelle sur l'océan, une vidéo est projetée sur le mur du fond de la galerie. La caméra se concentre sur l'eau et les vagues qui se forment au large. Lampedusa, une île à la croisée de deux continents, apparaît au loin. Une masse sombre, en forme de rectangle, oscille contre les vents et les eaux. Cette forme se révèle être un tapis tissé de terre, soulignant la richesse sémantique de l'expression "ceci est ma terre", qui renvoie au lieu que nous choisissons pour nous-mêmes ou qui est choisi pour nous, en particulier en relation avec l'Afrique et son histoire coloniale. Sur le sol se trouvent plusieurs petites sculptures identiques faites de terre, placées sur deux grandes feuilles de plastique rappelant le tapis de la vidéo ainsi que la pollution des océans. Dans l'ensemble, l'installation évoque la manière dont les personnes et leurs histoires sont réduites à de simples nombres et considérées comme indiscernables à leur arrivée en Europe.
Cette exposition est la troisième édition de Progetto Genesis. Art et droits de l'homme, organisé par Ilaria Bernardi et soutenu par l'association Genesi depuis 2021. Fondé sur l'idée que l'art contemporain peut servir d'émissaire, le projet relie les expositions à l'éducation dans le but de fournir un dialogue continu sur les droits de l'homme. Interdisciplinaire, itinérant et inclusif, Progetto Genesi est unique par son engagement radical, ainsi que par l'ampleur et la profondeur de ses initiatives, non seulement dans le domaine des arts contemporains en Italie, mais aussi dans le monde entier.
À l'occasion de cette exposition qui met en lumière l'œuvre importante de Binta Diaw, la Fondazione Sandretto Re Rebaudengo présentera également deux autres projets de l'artiste, tous deux sous la direction de son conservateur principal Bernardo Follini. Le premier est un papier peint présentant l'une des œuvres de la série Paysages Corporels de Diaw, exposé au Palazzo Re Rebaudengo à Guarene à partir du 18 juin ; le second est une exposition au Palazzo Banca d'Alba, du 14 juin au 21 juillet, présentant des œuvres bien connues de l'artiste qui ont déjà fait l'objet d'expositions importantes.