Encore un peu de bleu @ Musée Théodore Monod d'Art Africain, Dakar, Sénégal : Vincent Michéa

Musée Théodore Monod d'Art Africain, Rond Point Assemblée, Plateau, Dakar, Sénégal 28 Novembre 2025 - 10 Janvier 2026 
Présentation
Musée Théodore Monod d'Art Africain, Rond Point Assemblée, Plateau, Dakar, Sénégal

Pour cette nouvelle exposition personnelle intitulée Encore un peu de bleu, Vincent Michéa engage un dialogue vibrant avec les œuvres africaines traditionnelles du Musée Théodore Monod d’Art Africain. Fidèle à son goût pour les croisements de formes, de temporalités et de cultures, il explore ici la mémoire des objets et leur pouvoir d’évocation. Silhouettes, motifs et fragments s’y superposent dans un jeu d’ombres et de couleurs qui réinvente la rencontre entre héritage et modernité.


En découpant, juxtaposant et recomposant les figures issues du patrimoine africain, Michéa ne se contente pas d’en citer les formes : il en ravive la présence symbolique, dans une langue plastique qui lui est propre. Entre hommage et réinvention, ses collages déploient un espace poétique où se conjuguent histoire, regard et imaginaire – un lieu d’interférence féconde entre le musée, la mémoire et l’atelier.

Communiqué de presse
Vincent Michea :  Entre les silhouettes bleues du patrimoine 
 
Sur une table de son atelier, Vincent Michea a déposé quelques photos. Il s’incline, saisit un exemplaire et me tend l’image, avec le sourire. J’hésite un peu, tant mon regard est happé par tous ces fragments éparpillés tels des archives, si tant est qu’ils ne le sont pas. Des archives du patrimoine me dis-je, des archives de la vie tout simplement. Mais je me demande s’ils ne seraient pas des archives de nos imaginations téméraires. 
 
Ces bouts de tête, ces pieds, ces bustes en bois, patinés et enrobés dans la lumière mâte des musées n’auraient pas dû être des statues s’ils n’avaient pas fait le voyage saisissant de la démesure de l’homme qui veut créer Dieu à son image. C’est peut-être pourquoi dans nos sociétés traditionnelles, ces petits êtres tout de mystère vêtus, ont toujours suscités la crainte, l’admiration et le respect. Les religions révélées ont jeté l’opprobre sur ce qu’elles considèrent comme des fétiches et les ethnologues ont fini de les transformer en artefact de contrebande. Le langage commun en a fait un objet de désir et il est assez banal d’entendre dire qu’ils sont des œuvres d’art. Ils sont entassés dans les réserves des musées, devenus des ruines de la cupidité, des objets de convoitise, l’accumulation d’une société animée par le désir de posséder. 
 
Les tableaux de Vincent Michea sont composés de tirages photographiques de ces statues d’Afrique aux silhouettes caractéristiques et dont les contours sont détourés puis collés sur un fond bleu. Ce procédé donne une négation entre deux faces : vide et pleine. Présence et absence loin de se contredire se révèlent, car de ce contraste, les ombres dégagent une lumière. J’observe la photo qu’on me tend et deux pensées se bousculent. Je considère qu’à ce moment même, le musée est une camera obscura où l’âme chimique de ces objets, jadis organique, joyeux et libre, est capturée entre quelques centimètres carrés grâce à cette magie qui fixe leur image sur une surface sensible. Mais cette autre idée m’ébranle, j’ai sous les yeux l’épaisseur de toute une histoire, celle des peuples d’Afrique. 
 
Quand l’artiste achève son œuvre et la livre en pâture, presque toujours un sentiment de désinvolture et d’effroi l’habite. Il est pris entre une inspiration fugace comme notre passage sur terre et une œuvre éternelle aussi belle que la vie. Pour le reste, l’artiste ne se sent plus concerné, telle une silhouette du patrimoine, furtive et résignée, il retourne dans sa réserve en chuchotant ces mots tout bas : alea jacta est. Cette expression s’applique à la nouvelle série bleue de Vincent Michea qu’il livre à notre appréciation. Son invitation au musée s’inscrit dans cette ambition consistant à réenchanter les collections de manière critique par le truchement de lectures artistiques croisées. 
 

El Hadji Malick Ndiaye

Conservateur du musée Théodore Monod de l’IFAN