La Galerie Cécile Fakhoury a le plaisir de présenter Dègg naa tuuti Wolof à Dakar, une exposition personnelle d’Adji Dieye.
Pour sa première présentation monographique à la galerie à Dakar, Adji Dieye poursuit sa réflexion autour des fondements complexes du principe d’archive, et s’intéresse en particulier aux archives nationales du Sénégal et leur lien à l’architecture et les développements urbains depuis la période postindépendance. L’artiste questionne notre compréhension des archives et leur rôle dans la formation des récits et représentations identitaires. Utilisant fréquemment l’ironie, Adji Dieye interroge le statut supposé de l’archive comme garant unique d’une vérité historique et objective.
Au centre de l’exposition se déploie un ensemble d’installations architecturales caractéristiques de la pratique de l’artiste. À travers elles, Adji Dieye déconstruit le principe d’une lecture linéaire de l’histoire telle qu’elle est souvent pratiquée par les institutions détentrices de savoir; lecture qui tend à faire oublier les contextes et les idéologies qui l’ont imposée. Les structures métalliques de l’artiste, échos épurés des lignes d’horizons des grands centres urbains de ce monde, sont parcourues par le flux tendu de la soie sérigraphiées d’images urbaines issues des archives nationales du Sénégal et d’images appartenant aux archives personnelles de l’artiste. L’exercice de déchiffrer les images et l’incertitude sur la nature des images que l’on regarde contribuent à challenger notre perception des narrations sur le développement et ce que serait la supposée modernité architecturale.
Avec Dègg naa tuuti Wolof [Je comprends un peu le wolof], Dieye approfondit également sa réflexion sur la manière dont les actions économiques de certaines communautés et classes sociales ont un impact sur la construction et la transformation des espaces publics. Dans une nouvelle série inédites de sérigraphies en noir et blanc, elle capture les gestes quotidiens qui habitent et définissent ces espaces. Ses dessins, imprégnés de la précision de sa sensibilité photographique, constituent des réflexions à la fois intimes et critiques sur la vie des communautés expatriées de Dakar. En jouant sur la tension entre les liens locaux profonds et les influences des coutumes étrangères, elle révèle des espaces où les échanges subtils et les identités multiples peuvent émerger. L’hédonisme apparent de ces modes de vie, souvent permis par le maintien de conditions économiques supérieures aux réalités du pays d’accueil, génère des pratiques et des usages de l’espace commun qui contribuent à le modifier profondément. A l’inverse, les nouvelles modalités de fonctionnement de ces espaces sociaux sont en retour elles-aussi susceptibles de donner lieu à d’autres manières de se percevoir en tant que sujet social dans un espace économique et politique.
L’exploration cinématographique du paysage social de Dakar par Ousmane Sembene, dix ans après l’indépendance, est une référence clé dans le travail de Dieye. Les observations de Sembene sur la migration occidentale et les paradoxes de la modernité constituent un thème central dans la pratique de l’artiste, qui explore l’impact persistant de ces dynamiques historiques.
S’inspirant également des idées de Felwine Sarr dans Afrotopia, selon lesquelles « la culture façonne les perceptions, les attitudes, les habitudes de consommation et les choix individuels et collectifs, tout en restant un moteur économique essentiel », Dieye cherche à montrer comment les cadres néolibéraux peuvent subtilement déformer la notion d’autodétermination.
En complément de l’exposition, Maguette Dieng Cortés, du collectif Jokko, présente une installation sonore qui s’appuie sur des enregistrements d’interactions personnelles, souvent marquées par des difficultés à communiquer en wolof. Cette œuvre transforme le matériel enregistré en une puissante méditation sur l’identité culturelle vibrante de Dakar et ses interactions continues avec un monde globalisé.