projections: Yéanzi

11 Mars - 13 Mai 2017 ABIDJAN
Persona en 2015 présentait des séries de portraits, figures, silhouettes, tous d’individus à la double identité issus d’un réseau social proche ou extérieur de l’artiste. Une seconde personnalité véhiculée par un surnom évoquant un rôle, un pseudonyme redéfinissant une histoire personnelle donnait à découvrir le tissu dense d’une société à la recherche de nouvelles identités.

 

L’identité est toujours au cœur du propos de Yéanzi mais le prisme change, le regard s’élargit et se pose sur le groupe. Yéanzi redéfinit son champs d’observation, en se focalisant sur l’entité collective. Sa technique aussi évolue, les coupures de presse sont remplacées par des films d’impressions issus d’une base d’images liée à l’artiste. Qu’il s’agisse de photos prises par Yéanzi, de photos d’identité ou de famille, de scans d’éléments personnels comme un passeport, un article lui étant dédié, une signature, un code barre identifiant son produit de consommation, Yéanzi lâche sur un nouveau textile libéré de son châssis une histoire intérieure portée par ses influences extérieures. C’est avec ce regard intime qu’il capture une nouvelle galerie de portraits, définis dans leurs liens au groupe. De ces archives personnelles il en fait donc des transferts, technique très ordinaire détournée par l’artiste pour l’amener dans son champ créatif. Ici le transfert est artisanal, les couleurs sont savamment choisies, l’accident existe.


La liberté de superposition et d’agencement est guidée par le récit.

Cette question identitaire renouvelée débute toujours par une pensée sur soi-même, qui suis-je ? Qui sommes nous ? Celui que je crois être ou celui que l’autre dit que je suis ? Moi qui me regarde ou moi à travers le regard de l’autre ? Mais quand je me regarde, puis-je me voir sans un regard extérieur qui s’interpose entre moi et moi ? Ces questions évoquées par Patrick Charaudeau dans  ‘’Réflexions sur l’identité culturelle’’ sont explicites pour Yéanzi. Peut-on donc se bâtir seul? L’arrivée du groupe dans le travail de Yéanzi est une réflexion qui se poursuit, son travail sur l’individualité l’amène à ce constat : ce sont les interactions et les échanges avec le reste du monde qui fait que l’on est qui on est. Il perçoit donc le groupe comme une urgence à traiter avec une conviction ; la conscience du soi et de  l’identité est une définition du soi dans un contexte des uns par rapport aux autres.

 

Onze toiles et deux installations composent l’exposition. Les toiles sont issues d’une seule et même série Les pétroliers, groupe aux multiples facettes. C’est dans l’installation Exit  que l’on peut voir en trame de fond des cartes d’identité de différents pays toutes portant le nom de Yeanzi Lanin Saint Etienne. L’artiste emprunte les identités de gens qui lui sont proches, qui le touchent culturellement. La nationalité togolaise, sénégalaise, française, ivoirienne revendiquée par un seul individu met en exergue cette appartenance identitaire à choix multiple. Rien n’est absolu dans cette quête d’identité, les influences peuvent être multiples, différentes voix peuvent être empruntées, contournées, ce bouillonnement banni une définition stricte, une identité est un choix et une définition subjective.

 

Cette interprétation est relatée par certains mécanismes de groupe que Yéanzi remarque dans les communautés qui l’entourent. Il fait des parallèles entre des évènements mondiaux et des évènements de quartier, le phénomène du Brexit résonne en lui comme une manifestation familière. Cette rupture d’une union est récurrente dans le système de vie qu’il observe. Tous les jours, il peut discerner des ruptures identitaires à une échelle locale. Il perçoit ces bouleversements comme des recherches d’identité, avec des revendications d’appartenances qui évoluent en fonction de chaque histoire et de son rapport au groupe. Quitter une communauté pour se redéfinir, pour mieux trouver sa place, rompre avec un système, s’en extraire pour une redéfinition du soi.

 

Toutes ces observations sont des projections de l’homme pour lui même, se projeter dans une culture qui lui sied mieux afin de trouver un équilibre. Une quête parfois violente qui permet de s’élever et de se reconnaître. L’artiste matérialise ces projections dans une pièce à la forme d’un faisceau. Les 12 films qui ont servis aux impressions sont mis en lumière, la projection se concrétise et permet à Yéanzi de discerner le film et l’hologramme, l’original et son avatar. Le dédoublement devient perceptible et s’exprime comme une façon de se bâtir et d’exister, de se construire selon une volonté personnelle définie par son lien au monde.