Né en France et vivant entre Paris et Dakar depuis près de trente ans, Vincent Michéa est avant tout un collectionneur d’images. On retrouve au cœur de son processus créatif ses propres prises de vues ainsi que des clichés empruntés à l’histoire africaine. Sa démarche est engagée, le choix des photographies est sensible. Vincent Michéa ne travaille qu’une image qui l’émeut, qui l’anime et qui fait sens dans son œuvre. Tout est lié, les travaux se succèdent, se superposent, se répondent ou se démultiplient; les toiles de Michéa sont autant de traits d’union à une histoire flagrante de modernité. Dans cette quête obsessionnelle, Michéa se fait un fabuleux manipulateur d’images et un des premiers peintres à avoir traité une iconographie africaine vibrante et édifiante.
L’ensemble des toiles présenté à la galerie est composé de moyens et grands formats suivant la ligne de son travail commencé dans le milieux des années 90. On retrouve cette trame circoncisant ses personnages sur des aplats de couleur superposés. La structure rigide des points évoque au premier regard une précision mécanique qui s’estompe finalement dans la contemplation : l’imperfection, le ‘’fait main’’ émane de chacune de ces formes. C’est cette même imperfection qui amène toute la beauté et l’intimité présente dans le travail de Michéa. Tendre moment, enjoué moment, enthousiaste moment, complice moment, autant de sentiments affichés et éclairés pour parler d’un monde qui n’est plus mais que l’artiste réinvente et réanime à travers une palette criante de vitalité.
La prestance des Gypsy Queens, élégantes et fougueuses femmes surdimensionnées dansant dans l’espace coloré, impose l’observation. L’image retravaillée amène à contempler un champ mouvant qui selon la distance à laquelle se trouve le spectateur, restitue une vision plus ou moins nette. Vues de loin, les peintures de Michéa ressemblent à des photographies teintées. À mesure que l’on s’approche, les images se désintègrent en une constellation de points créant les différentes strates de lecture de ce monde alternatif.
La notion de réécriture de l’image est également très présente dans son travail de photo-collage. Michéa décrit son processus de collage : «Je coupe, je tranche, je taille, j’incise, je cisaille, je lacère, j’ampute, je décapite, je démembre…» Alors que cette déclaration se réfère littéralement au traitement des matériaux qu’il utilise, elle suggère également son approche pour raconter le passé et le présent. Rien, ni papier, ni réalité, ni temps, ni histoire n’est à l’abri de la dissection et de la réorientation de Michéa. La série « Fatou Pompidou » emporte le regard dans un monde psychédélique, l’œil se perd dans une architecture aux lignes profondes et aux points envoutants. La construction de ces images est à la frontière de différents lieux et différentes époques, impalpable temporalité, spatialité, Michéa nous embarque dans un autre espace-temps.
On retrouve dans ces nouvelles séries de peintures et de photo-collages toute la vibrance et la sincérité de l’artiste. Ses sujets sont des femmes et des hommes témoignant d’une histoire lointaine mais toujours aussi actuelle. « Que reste-il de nos amours ?»; cette simple question résume la quête de tout un chacun, aimer et être aimé. Ce témoignage transmet une fascination et une révérence profonde pour la vie quotidienne qui peut être sans cesse considérée et réinventée. A travers cette exposition, Vincent Michéa nous invite non seulement à considérer ses nouveaux mondes, mais également à observer les nôtres de plus près.