Les mille et deux récits de Fanny Irina
L’audience écoute attentivement, les enfants jouent au loin...
Première tentative : Tout commence par une sirène...Non, reprenons.
Deuxième tentative : Tout commence par des coquillages ramassés vers les côtes bretonnes...Non, reprenons une nouvelle fois.
— Bon, vous allez commencer ?
— Oui oui, bon je viens, je viens...`
Troisième tentative : Je sais ! Cela débute par une histoire de don car l’image est ce qui se donne, toujours. Elle est une main qui parfois prie, ou supplie, ou offre, ou demande, ou appelle, ou convoque ou invoque — C’est bon, j’ai trouvé le bon fil...
Pourquoi parler, ici, de mains ? Il y en a beaucoup dans les oeuvres de Fanny Irina et le plus important est de les suivre du regard : où vont-elles ? Que racontent-elles ? Les unes semblent conter le souvenir de coquillages changés en céramiques, les autres l’histoire d'une sirène qui parait faire une offrande à des bras tendus.
Avec Fanny Irina, nous nous asseyons au sol, modestement, et ouvrons les deux mains pour apprendre à recevoir ce que ces toiles et objets (cartes, coquillages) racontent et donnent. Nous pourrions parler de techniques, de références, mais nous pouvons aussi nous laisser surprendre par ces images tendues comme des paumes. En retour, nous nous inclinons aussi et tendons une oreille.
Le fond, toujours uniforme ou presque dans les peintures de l'artiste, laisse sortir quelques figures, celles avec lesquelles on remplit une île de mythes et de récits, celles avec lesquelles on conte mille et deux histoires pour peupler la matière pourpre de nos cerveaux. Les terres près des eaux, ici ou là-bas, africaines ou autres, ont toujours connues les histoires de sirènes, de femmes-eaux, de mers qui prennent et qui reprennent, c’est pourquoi nous ne chercherons pas l'origine définitive de ces mythes. Nous laissons tout à son chaos. Les récits de l’artiste restent dans leur coquille, à nous de souffler dans les trous et de délirer les parties manquantes.
Cette « critique » maintenant se disperse dans l’exposition, dans l’audience...
Chris Cyrille