L’esthétique de Carl-Edouard Keïta se déploie à la croisée d’influences, empruntant tant aux mouvements constructiviste et cubiste, qu’aux arts premiers africains ou au jazz. Au gré de la mine du crayon de papier, l’artiste s’attèle à documenter notre société mondialisée en perpétuelle évolution, au travers de la sophistication de son dessin composé de formes géométriques pourtant simples mais qui une fois assemblées révèlent une grande maîtrise des lignes, des courbes et des jeux de lumière.   

 

Ce mélange de références que l’artiste s’approprie et réinterprète avec brio pour créer son propre univers n’est pas sans faire écho à la notion d’«Atlantique noire» de Paul Gilroy. Dans son ouvrage éponyme, le théoricien conçoit ainsi l’idée d’un océan Atlantique comme réseau de pollinisation culturelle et de flux d’échanges entre les continents.

 

Les dessins de Keïta témoignent d’une grande maîtrise de la composition, chaque œuvre portant en elle une histoire, une narration. La décomposition des corps des figures représentées en plusieurs éléments de forme géométrique peut d’ailleurs être comprise comme étant mimétique d’un mouvement de dévoilement et de déconstruction des sujets abordés dans ses œuvres, du visible au caché.

 

Inspiré entre autres de la créativité foisonnante des cabarets des années 1920 en France où se sont produits nombre de performeurs noirs qui ont marqué l’histoire par l’audace et la nouveauté radicale de leurs créations, les œuvres de Carl-Edouard Keïta interrogent en creux le partage de notre héritage entre tradition et modernité, entre Afrique et Europe.