À la frontière du rêve et du souvenir, le travail de Rachel Marsil nous plonge dans un univers intimiste et coloré dans lequel se mêlent : scènes d’intérieur, moment des retrouvailles et latence subtile de la pose avant le déclic de la photo. Un ensemble de silhouettes souples, parraissant plongées dans une attente contemplative, habitent l’espace des toiles. Leurs regards paisibles sont tournés vers nous, leurs visages sont hypnotiques et leurs traits, similaires d’un personnage à l’autre restent cependant uniques. Elles semblent regarder, au delà du visible, un monde du subconscient dans lequel nous prenons part.
Qui connait l’artiste, reconnaitra peut-être, dans les personnages de ses toiles, son visage. La toile est comme un miroir où explorer son identité. Rachel Marsil plonge dans ses photographies de famille et chaque scène est l’occasion de revisiter un souvenir, parfois même de le réinventer. Pour l’artiste, la peinture est la mise en récit d’une histoire personnelle plus vaste où se mélange, histoire avec un grand H, histoire intime et vision fantasmée. Face aux failles de notre mémoire, le rêve et la projection sont des outils poétiques puissants. Tout alors dans les toiles concoure à nous plonger dans un état d'entre-deux.
Néanmoins, quelques éléments nous gardent du risque de l’onirisme absolu; en particulier les objets ajoutés par l’artiste dans ses toiles. Rachel Marsil les représente de la même manière que les personnages. Elle en fait des protagonistes du récit visuel à part entière. Elle y ajoute, en outre, une charge sémantique excessivement pressante : les objets sont porteurs d’un poids sensible et mémoriel. Ils crystallisent autant des moments que des émotions éprouvés par l’artiste. Ils nous renvoient par la même occasion à notre sphère intime, contemplant notre propre madeleine de Proust et nos propres oublis. De même, la nature foisonnante est autant le rendu d’un souvenir qu’une projection.