La galerie Cécile Fakhoury est heureuse de présenter le travail photographique de François-Xavier Gbré dans une exposition personnelle intitulée Fragments.
À Abidjan, où il s’est établi et travaille depuis deux ans, cet artiste métis d’origine ivoirienne qui a grandi dans le nord de la France se confronte au changement, à l’essor économique, aux grands travaux d’urbanisation et surtout aux traces d’une Côte d’Ivoire de l’entre-deux. Pas à pas, François-Xavier Gbré créé son propre paysage à travers une collection de photographies qui révèlent les invisibilités du quotidien.
Dans cet espace ouvert à la déambulation, un dialogue s’installe entre et autour des œuvres qui le redessinent. Le parcours photographique de François-Xavier Gbré est une invitation à l’imaginaire qui prend sa source dans l’environnement où nous évoluons en tant que citoyen, habitant la cité. Les Fragments, ce sont ces éléments visuels comme des extraits d’un terrain plus vaste. Loin du reportage, nous sommes dans l’empreinte photographique d’une sensibilité engagée à constater l’état du monde, pour en témoigner et y participer par l’image.
François-Xavier Gbré explore des territoires, il s’attache à la ligne, au sens de cette vie qui grouille juste devant lui. Il interroge cliché après cliché son propre monde, en mutation. Naturellement chaque image se lie à une autre, une composition nouvelle dans le prolongement d’une précédente. La recherche de simplicité est au cœur de son travail : l’essentiel. Dans la confusion urbaine qui nous perd parfois, à travers ces œuvres, elle soulève la question de nos modes de fonctionnements, de nos rapports sociaux, de nos relations à l’Histoire, à l’échelle locale; dans l’écho d’une expression universelle.
L’exposition se compose d’îlots, chacun possède son propre langage. Plusieurs corpus d’identités photographiques se mêlent, en regard les uns des autres. Il émerge de ce travail inlassable une dichotomie entre la complexité des images et leur lisibilité, une approche sensible qui parle à tous. La ligne est pure, l’équilibre se ressent dans une sorte de douce radicalité. L’absence, l’abandon même de la figure humaine est marquée dans ce travail. L’architecture et le bâti, la main et les créations composites de l’esprit font force. En filigrane, nous pouvons lire le rapport à son environnement de celui qui n’est pas cité dans cette histoire mais qui en est le protagoniste, l’auteur, le metteur en scène.
L’installation murale composée de formats variables, de détails, de vues plus larges et de morceaux de récit rend compte d’un rapport au proche et au lointain. Elle dévoile la vision cartographiée de l’artiste, des éléments et du mouvement contenus dans ses sujets. Sans cesse en prise avec le temps et la géographie, ses passages sont empreints de significations, qu’il transporte et pose, qu’il prend et déplace. Il tisse un lien entre des continents, des histoires personnelles, des vestiges coloniaux à travers ses murs presque écroulés, des passages et de l’usure du temps sur des vies dont témoignent les habitats, les paysages redéfinis par l’actualité. Les archives du présent sont ces œuvres photographiques, celles du passé lui ont permis de les construire en rupture ou en continuité.
L’exposition Fragments est un ensemble photographique qui laisse chaque image faire force individuellement. Ce travail par touches successives se focalise sur l’inattendu. Dans une proposition spontanée ouverte à des angles nouveaux, à des approches différentes, des sujets-objets qui dans le résultat de l’épreuve donnent une impression de constance tout en exprimant leur singularité.
Le regard s’arrête sur la photographie d’un néon, un cadrage serré où la perspective est faussée. Au sol, au mur au plafond, cet objet pourtant si commun et fonctionnel, se transforme en tableau. C’est une nature morte, un bout d’intérieur. Il ne nous dit rien, il ne livre aucune information, il est là, simplement. Tout le récit, le référentiel et les indices qu’il porte sont contenus dans cette composition. Et l’imaginaire opère, on devine le reste de la pièce, la décoration précaire, l’intensité potentielle de cette lumière artificielle, en totale opposition au ressenti de cette photographie, toute en nuances, en silence presque religieux.
Intimement, l’artiste nous ramène à ses propres questionnements, à son identité. Tout en poésie, ces images renvoient au conte ou à la fable, leur rythme est une fausse narration proche de l’écriture libre. L’exposition reprenant ce mouvement de construction, de surprises visuelles, suscite tantôt l’entendement ou la contemplation, laissant toujours apparaître l’imperfection de notre humanité.
Abidjan est une ville en mutation, en développement continuel où le temps est accéléré, les éléments se perdent, d’autres surgissent, les deux cohabitent, François-Xavier Gbré cristallise ces scènes pour refigurer un territoire.