"Bonne nouvelle" est la première exposition personnelle du peintre Thibaut Bouedjoro-Camus en Côte d’Ivoire. Né en France (Reims) de parents français et ivoiriens, il met en scène dans sa peinture des questionnements intimes et collectifs, dans des espaces méticuleusement construits et ancrés dans les strates d’un espace-temps où se mélangent Abidjan et Paris.
Outils de compréhension et d’investigation de soi-même dans les remous d’une histoire plus large, les œuvres de Thibaut Bouedjoro-Camus commentent le passé de la Côte d’Ivoire à travers le prisme de sa double culture. Cependant, en brouillant les pistes, l’artiste refuse au regardeur le confort d’une lecture simplifiée de l’Histoire, préférant créer des associations d’images et de sujets qui nous amènent à l’approcher dans toute sa complexité, jusqu’à ses ramifications contemporaines.
Des personnes, des évènements, des objets deviennent alors les pivots de l’Histoire, tel le très symbolique Djidji Ayokwe dont la trajectoire est le sujet d’un tableau où se mélangent plusieurs espaces et temporalités. En multipliant ainsi les angles de vue, Thibaut Bouedjoro-Camus crée un écho entre des figures issues d’époques et d’espaces différents. Ainsi Louis-Gustave Binger et Vincent Bolloré semblent s’épauler dans La marche des femmes de Grand- Bassam. William Wade Harris prêche la bonne nouvelle à un couple venu de la fête de génération (Bonjour, Prophète Harris), et les combats d’hier rejoignent les résistances contemporaines et futures, à travers les portraits de Marie Koré et Rachel Kéké. Les jeux de transpositions et de correspondances s’appliquent aussi aux matériaux, et la toile minutieusement préparée par l’ancien élève des Beaux-arts de Paris laisse parfois la place à des bandes de toile de Korhogo.
Non dénué d’humour, l’artiste flirte avec l’absurde et la satire dans une approche décomplexée qui ne s’interdit aucune référence, ni aucune ambiguïté. Il cite en creux Le Caravage (La collection de Paul de Tarse), transpose Courbet (Bonjour, Prophète Harris), tout en s’appuyant sur une culture populaire issue du cinéma, dans un ensemble de petits formats, tels que ces petits tableaux inspirés des Bronzés, film révélateur des rapports entre la France et la Côte d’Ivoire et plus largement du rapport de la France a ses anciennes colonies.
L’inconscient est une des voies détournées que l’artiste emprunte pour formuler sa recherche, et certaines images semblent être nourries de rêves dont l’artiste assume l’étrangeté, sensible et directe, dans des moments où il délivre au regardeur une forme de rébus. Dans l’œuvre Le songe de Catherine, une femme assoupie au premier plan semble rêver une ronde ou apparaissent un ami de l’artiste ainsi que sa compagne, et ou vogue au loin un tisserand sur une pirogue.
Un espace inconscient qui laisse affleurer des visions plus sombres, dans l’œuvre Les mains de l’Etat ou l’on ressent une menace, qu’elle soit étatique ou religieuse, ou encore dans le Massage, où l’artiste transcende une scène comique qui bascule vers une inquiétante figure, dans une lecture renouvelée des images et de l’histoire post-coloniale.