Á la limite de la page blanche, le plateau libre de la galerie est un lieu de rencontre entre ces quatre artistes. Le dispositif mis en place donne à voir une large table de recherches artistiques. L’espace transformé en atelier partagé invite aux dialogues et aux échanges.
Le travail de Yo-Yo Gonthier est librement inspiré par l’exploration, la conquête, les découvertes et le voyage physique et fantasmé. A travers le film, le dessin, la gravure, la photographie, ses recherches et ses performances, il invite à une lecture historique des formes et des sujets universels. Le nuage qui parlait commence par un atelier de création participatif, et prend finalement son envol, amassant les rêves d’hommes. Il imprime en lui le passage et la rencontre, le lieu et la confidence. Dans l’action et la symbolique, le formel conduit à repenser la place du rêve ici et maintenant, dans sa répétition et sa traversée en différents points géographiques. Yo-Yo Gonthier est un compositeur, de lignes, de sens, de sons, la matérialité de son travail en résulte. D’un objet gravé, apparait une empreinte sur papier, il est photographié, épinglé. La reproductibilité atteste d’un retour à l’essence d’une forme. L’image photographique peut être une scène, une pièce, une narration qui se créé par dessus, au dedans, hors cadre.
Nestor Da compose à partir d’une photographie qu’il a prise, il fait entrer une réalité choisie en atelier, en travail, dans son laboratoire. Ce bout d’histoire est un point de départ, il peint ensuite, il découpe et déchire parfois. Chaque étape de réalisation partitionne l’ensemble, il modèle par couches successives, en passages, par empreinte de la main. Jusqu’à transformer l’image en déséquilibre vers le point qui la rattache à son imagination. Une œuvre de Nestor Da est un conte, des photocollages où les distorsions du monde et la poésie, la liberté de la peinture cohabitent.
Le dispositif de Cheikh Ndiaye, Redoute, est une réification à la fois des questions architecturales, de la photographie et de la consommation. Cet habitacle rudimentaire est approprié, c’est une forme adaptée, adaptable au monde, aujourd’hui. Il est fait de bois récupéré, en assemblage structuré, léger et résistant, implanté de bassines, d’objets plastiques, de bouts de télévision. Un sas, une extension de l’intérieur, l’antre. On y accède simplement. Cheikh Ndiaye nous fait habiter cette installation, le temps d’un passage qui questionne les conditions dans lesquelles nous nous tenons. Avec Redoute, il nous met à l’épreuve visuelle et trouble nos perceptions, notre relation à l’espace, à la rue, à l’habitat. Au moyen d’archives, de recherches, il réalise un travail sur les transformations de l’environnement urbain. Le décor du quotidien se redéfinit constamment et influence nos modes de vies en même temps qu’ils ont su faire évoluer sa structure, son contenant.
Les photographies de François-Xavier Gbré révèlent un passage, une trace. L’objet inattendu, le détail qui renvoie à l’histoire est toujours présent, plus que jamais existant. Ses recherches sur le territoire, les mutations urbaines et la résilience de l’architecture comme récit, tiennent de l’exploration à la fois esthétique, historique et sociale. Aucun élément ne se dérobe sous l’autre, ils font sens communément, comme une mécanique de l’image chez cet auteur. En 2015, Gobélé, quartier situé dans les bas-fond de Cocody est en déconstruction, il disparaît peu à peu. Ces vides, ces cassures apparentes, ces morcellements de vies se font matière, discrètement collectés, ils permettent à François-Xavier Gbré de restituer par étapes un miroir de l’histoire. Presque passée, elle ressurgit par détails et c’est un tout nouveau paysage qui prend forme cliché après cliché, en un acte d’existence.
Ces travaux évoquent l’histoire, le paysage, l’archive, l’architecture et le récit. L’image révélée fait sens et induit une réaction immédiate, elle est le produit d’une élaboration que l’on peut voir se dérouler sous nos yeux. Le format léger, l’installation, l’image en mouvement, sont les formes éphémères de la démarche de ces artistes-citoyens, engagés. Prenant des contours adaptés à chaque discours, cette exposition tend à sonder les processus d’évolution, de narration de nos sociétés aujourd’hui. Les territoires explorés laissent le champ libre à la discussion entre œuvres, entre artistes et au public d’y participer. Présences est un trajet exploratoire d’univers singuliers faits de recherches, de pistes lancées, de documents collectés, de mouvements exécutés. Ce parcours ouvre sur des liens invisibles mais profond entre des formes de création très différentes. Par la mise en lumière des chroniques plasticiennes de Nestor Da, de François-Xavier Gbré, de Yo-Yo Gonthier et de Cheikh Ndiaye, en strates de lecture, chacun peut revisiter la présence de l’œuvre.