De Punta a Punta: Vincent Michéa

2 Octobre - 23 Décembre 2015 ABIDJAN

Continuité en pointillés, un kaléidoscope de visages.

Vincent Michéa expose pour la seconde fois à la galerie Cécile Fakhoury.

Je ne pense qu’à ça en 2013 donnait à voir des toiles, de la peinture, une installation de 70 vinyles peints en leur centre, vibrance de couleurs et quelques discrets collages derrière un mur. Ces œuvres, petites, légères, sorties de l’atelier étaient présentées comme la trame qui se dessinait peu à peu dans son œuvre.

Plasticien, peintre, Vincent Michéa met en scène sur papier, sur toile, les histoires qu’il s’est appropriées. L’image est toujours au cœur de son processus de création, il rend compte d’une grande maitrise formelle, et interroge la reproductibilité de l’œuvre. La mécanisation dans le traitement de la représentation renvoie à l’industrialisation, à une réflexion sur le temps. De sa rencontre avec une photographie, s’instaurent une relation et des discussions, parfois plus proches d’un dialogue intérieur. La finalité du procédé systématique donne forme à l’œuvre unique.

‘‘De Punta a Punta’’ nous invite à regarder de point en point ce qui évolue sans cesse, la créativité, le rapport de l’artiste avec son matériau dans les sujets qu’il appréhende. Sa peinture se fait musique, témoin de société, d’une époque. Peindre d’après une pochette de disque relève de la collecte historique, sociale et d’un travail de restitution.

Les toiles de Michéa témoignent de sa haute fidélité envers sa source iconographique. Elles laissent transparaitre un sens caché, une intrigue, savoir deviner comment l’image a été créée.

Un album musical populaire ivoirien ‘‘Merci, Président Houphouët-Boigny’’ de Jean-Baptiste Yao sorti en 1966, est un marqueur de temps. Cette archive se détache de son époque et vient à nous, nous rappelle, nous évoque sensiblement ce passé. L’interprétation récente faite par Vincent Michéa est en deux temps, ses deux toiles représentent respectivement le recto et le verso de la jaquette ancienne. La forme originale est imitée dans la sonorité des couleurs, le graphisme, l’altération du papier, l’œuvre se souvient.

Transformation, répétition, déformation.
De ses photographies argentiques prises dans les années 80, Vincent Michéa laisse éclore une nouvelle pensée, un jeu d’apparences intimement lié à sa pratique de peintre. Il retravaille la photographie, ajoute par touches de la peinture, des éléments choisis. Il sculpte des figures, le papier, en motifs uniques. Il réinvente à partir de son passé, usant de l’apparat, la touche en répétition et le rythme de détourer, de superposer.

Avec humour et dérision pour ce qu’il manipule, ses personnages se glissent dans un nouveau rôle, déguisés, camouflés sous une couleur, ornés de points. Avec Or série, Michéa sublime, illumine des portraits en noir et blanc par un papier doré, Kubor, en réalité l’emballage d’un exhausteur de goût. L’illusion même.

Les collages de la série 100% Dakar modélisent des silhouettes en pied sur fond blanc, une chaise, un élément, un costume graphique vient apporter équilibre et énergie nouvelle au mannequin miniature sous verre.DiscoClub décline les poses d’une star de la chanson, elle s’impose au cadre, il l’affiche, il rend hommage à son talent.

A propos de ses séries de collages Vincent Michéa écrit:
« Je coupe, je tranche, je taille, j’incise, je cisaille, je lacère, j’ampute, je décapite, je démembre… Une table, des ciseaux, de la colle et des images en pagaille, voilà l’arsenal du photo-monteur. Utiliser le photomontage comme pratique artistique pour concevoir des images permet de faire ‘‘machine arrière’’. C’est aussi être conscient que la photographie est un art et de douter soi-même d’en produire au travers de cette seule technique. Le photomontage apparaît soudain comme une évidence, comme un acte des plus signifiant, parfaitement contemporain, adapté au contexte actuel d’un flot incessant de toute forme d’information visuelle et plastique.  
Le photomontage demande alors une certaine maitrise de la mémoire. Loin d’être une activité iconoclaste, il relève plutôt d’un ‘‘animisme des images’’, ‘‘d’un polythéisme de la vision’’.  Concevoir et réaliser manuellement avec des outils simples et communs des photomontages représente l’un des actes les plus significatif pour un créateur qui souhaiterait réaliser des images sensibles chargées d’extrêmes tensions. »

‘‘Le futur des nouvelles images, leur épanouissement est lié pour moi aux accidents que la main provoquera’’ écrivait Roman Cieslewicz en 1993 dans le catalogue de sa rétrospective au Centre Georges Pompidou à Paris.’’