Focus sur / Palais du gouverneur #5, Lomé, Togo - François-Xavier Gbré: Partez à la rencontre du travail d'un artiste à travers l'analyse d'une de ses œuvres

10 - 16 Avril 2020
  • Cette semaine, nous vous invitions à découvrir Palais du gouverneur #5, Lomé, Togo, une photographie de François-Xavier Gbré, artiste franco-ivoirien né en 1978 à Lille, France. 

     

    Francis Corabœuf, directeur du showroom de la Galerie à Paris, nous propose une lecture personnelle de cette œuvre. 

     

     

     

     

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  • Un cadre dans un cadre. Des lignes, des saignées. Après un temps d’observation, des points qui se révèlent être des brèches dans une paroi. Des formes tordues qui pendent ou se dressent. Un bref moment de perte de repères. Enfin, un indice : un fragment de moulure dans le coin gauche, en bas. Nous sommes en train de regarder un plafond.

     

    En 2012, François-Xavier Gbré photographie le Palais du Gouverneur à Lomé. Comme souvent, le sujet de son attention et de sa recherche est une architecture qui concentre un environnement plus vaste. Construit par les forces coloniales allemandes au début du XXe siècle, le palais est la résidence des gouverneurs allemands puis français, et devient ensuite le siège de la présidence de la république togolaise de 1960 à 1970. Il reste un lieu de pouvoir jusqu’au début des années 90 et est ensuite délaissé. Au moment où François-Xavier Gbré y accède, les lieux sont en ruines et il faut être accompagné de gardes pour pouvoir y pénétrer.

     

    François-Xavier Gbré construit ses œuvres comme il sonderait l’Histoire. Ses investigations l’ont amené à disséquer et analyser des bâtiments emblématiques de l’époque coloniale et des indépendances en Afrique de l’ouest, comme la Piscine Olympique du Stade Modibo Keita à Bamako (2009), l’ancienne Imprimerie Nationale de Porto-Novo (2012) ou l’ancien Palais de Justice de Dakar (2014-16). Le patrimoine bâti est une source d’information précieuse, et son observation révèle ce que les mots ne peuvent porter, des traces, ces strates du temps et de l’histoire. Cette approche méthodique lui permet de questionner à travers l’architecture, le statut de l’héritage historique des pays d’Afrique de l’Ouest, en témoignant de leur évolution comme autant de questionnements ou de voies d’évolutions possibles.

     

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  • Dans cette construction massive qu’est le palais du gouverneur, François-Xavier oriente notre regard vers des angles oubliés. En approchant l’architecture et l’espace d’une manière radicale, presque abstraite, il crée une épure qui révèle l’élégance de détails constitutifs infimes : les suspensions du faux-plafond, abimées ou arrachées, les cavités dans les murs ou ce morceau de moulure qui illustre le décorum de la grandeur passée des lieux. Cette composition rigide exacerbe les qualités des matières, que ce soit la lourdeur de la poussière déposée sur les murs, en une sensation poudrée et fragile, immobile, ou le contraste entre la surface blanche des murs peints et leur intérieur abrupt de ciment et de béton. 

     

    La notion de stratification du temps prend une dimension concrète, de l’empreinte du faux-plafond effondré jusqu’à creuser l’intérieur des murs. Dans ce bâtiment en particulier, François-Xavier Gbré se joue des angles de vue attendus et en écho à la photographie du plafond, s'arrête sur le sol dans Palais du Gouverneur #3. Une œuvre comme un moment suspendu où quelques gouttes de liquide dissipent le voile de poussière qui recouvre un carrelage d’époque. Les couleurs reviennent à la vie et cette différence entre deux états laisse entrevoir un témoignage des lieux, à un moment du passé. Volontairement, la photographie du plafond ne se donne pas tout de suite, comme dans de nombreuses photographies où François-Xavier Gbré recherche un point de vue qui confond les plans et complexifie la lecture de l’image, métaphore de la complexité de l’histoire elle-même, ou de son inaccessibilité – une construction que l’on retrouve dans le Palais du gouverneur #4 où la ruine devient un labyrinthe à la géométrie renversée, mais portant toujours cette richesse de matériaux et de sensations… Par la suite ces œuvres ont été exposées en dialogue les unes avec les autres, notamment en 2017 dans l’exposition Recent Histories à la Walther Collection (New-York – Neu Ulm).

     

    Aborder cette œuvre me permet enfin de faire écho à l’ouverture récente du Palais du gouverneur, restauré et ouvert au public en parc d’arts et de culture. Les murs qui l’entouraient ont été abattus et les lieux ont acquis une nouvelle destination, en dehors du champ direct du pouvoir pour lequel le palais avait été construit. L’invitation à venir capturer les lieux avant rénovation avait été faite à François-Xavier par la directrice du Palais Sonia Lawson. La photographie du plafond est désormais un témoignage d’une autre étape révolue des lieux, devenus aujourd’hui ceux du Palais de Lomé.

     

     

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